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L'encre des larmes

26 février 2012

LES OISEAUX SE CACHENT POUR MOURIR

Un oiseau qui pleure. Assis sur un banc. Son regard se perd sur les pavés gris que font chanter les talons des passants.

 

L’OISEAU : « J’ai trop souvent piaffé pour des conneries ! Des histoires de branches volées, de hauteur de nid, de plumes mouillées contre mon bec…J’aurais du lui hurler mon amour plutôt que lui miauler mes peurs. »

 

Un passant passe. S’arrête. Regarde l’oiseau d’un air triste et s’en va.

 

L’OISEAU : « Si le vent voulait bien me porter une dernière fois. Si mes ailes pouvaient frémir cette fois encore. Mais je ne sais même pas où aller… »

 

Une hirondelle descend des bords de l’horizon. S’assoit sur le banc.

 

L’HIRONDELLE : « Je l’ai vue ! Elle volait gauchement au-dessus des arbres bruns ; tu sais,  ceux qui n’ont de cesse de pleurer. Si tu prends la Galerne elle t’y emmènera. »

 

L’OISEAU : « Tu penses qu’elle est allée se cacher ? »

 

L’HIRONDELLE : « Si c’est le cas, tu sais que tu dois partir. Le temps des choix est effacé. Il faut que vous partiez ensemble, dans le dernier murmure des feuilles. »

 

L’OISEAU : « Je l’ai toujours su. Mais mes yeux ne peuvent se détacher de ces maudits pavés ! Je n’entends que le bruit des talons des passants et le vent ne souffle plus. Le vent ne souffle plus. »

 

L’hirondelle s’envole. Sans se retourner.

 

L’OISEAU : « Mais bon sang ! Lève-tes yeux ! Qu’ils pleurent une dernière fois ! »

 

[…]

 

Quelque part, là où les arbres sont bruns et n’ont de cesse de pleurer, deux oiseaux se cachent. Pour mourir ensemble.

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26 février 2012

Le marché

 

Rouge noir jaune vert orange auburn

Piquant salé amer râpeux fondant

Bleu bleu bleu les yeux du marchand

Forte forte forte la voix du passant

 

Le ballet des paniers la symphonie de la monnaie

Les mots négociés le ventre qui pérore

Lui aussi veut éprouver ses sens le corps sait ce qu’il veut

Arrêter de marcher

Sur la terrasse d’un café je m’assois et l’écoute

Et lui donne un peu de mon panier.

 

26 février 2012

Chambre de bonne

 

Les murs sont tout prêts

La lumière les éblouis

Ils s’affadissent selon mon humeur, aujourd’hui ils sont blancs, tièdes, suaves

La fenêtre emperlée frissonne au rythme de mes respirations il faudrait un soleil pour la réchauffer mais les nuages s’esclaffent et s’assombrissent un peu plus

Les chambres de bonnes sont des caveaux dans le petit de leur étreinte on y expire l’un après l’autre une femme de ménage un étudiant un solitaire un écrivain.

26 février 2012

Le levé

Un carré de soleil sur mon visage endormi

Le levant me réveille

Le matin m’appelle

Aux heures qui se lèvent tôt la ville est avare de bruits les voitures encore fatiguées somnolent sur les routes mouillées la rosée se couche les camions poubelles soufflent comme des baleines leur langueur matinale

Il est sept heures et je rêve déjà

 

Les bouches de métro avalent les passants

L’odeur du pain a fui les boulangeries et coure les rues de la ville qui s’agite

Des enfants rient

Une vieille dame semble ne s’être jamais endormie

Un vélo fuse

Les pigeons nous regardent

La lumière éploie trop vite ses voiles sur une nuit qui abdique lascivement

 

Un pas deux pas trois pas trop de pas m’éloignent de cet aurore en émoi

Il recommencera demain puis demain encore mais quelque chose murmure tu ne seras peut-être plus là.

 

LE LEVE

 

Un carré de soleil sur mon visage endormi

Le levant me réveille

Le matin m’appelle

Aux heures qui se lèvent tôt la ville est avare de bruits les voitures encore fatiguées somnolent sur les routes mouillées la rosée se couche les camions poubelles soufflent comme des baleines leur langueur matinale

Il est sept heures et je rêve déjà

 

Les bouches de métro avalent les passants

L’odeur du pain a fui les boulangeries et coure les rues de la ville qui s’agite

Des enfants rient

Une vieille dame semble ne s’être jamais endormie

Un vélo fuse

Les pigeons nous regardent

La lumière éploie trop vite ses voiles sur une nuit qui abdique lascivement

 

Un pas deux pas trois pas trop de pas m’éloignent de cet aurore en émoi

Il recommencera demain puis demain encore mais quelque chose murmure tu ne seras peut-être plus là.

26 février 2012

UNE NUIT PRES DE H.

J’entrais dans un petit salon que les volutes d’alcool et les rires des invités faisaient vibrer. Quelques canapés formaient un carré que des corps épousaient lascivement. Il y avait là quelques hommes dont le visage m’était familier, des flacons d’ivresse presque déjà vides, des vapeurs de chanvre étouffant la musique  qu’un vieux poste ovale crachait allègrement.

Un inconnu m’invita à m’asseoir sur un guéridon aux pieds bancals. C’est alors que j’entendis le rire cristallin d’une femme affaissée négligemment à ma droite, dans le divan. Elle avait les yeux en amandes, un nez fin, des lèvres pulpeuses que deux traits de rouge-à-lèvres faisaient rayonner. Ses cheveux reposaient délicatement sur ses épaules et dessinaient sur le cuir noir du divan des arabesques qui m’envoutaient déjà. Sa peau semblait délicieusement douce et je pouvais sentir son parfum enivrant rappeler à mon corps que l’odeur d’une femme  désirée est le plus doux des anesthésiants. Elle se leva avec grâce. Son corps élancé traversa le salon. Les courbes délicates qu’imprimait sa démarche attiraient irrésistiblement les regards des invités. Déjà, je savais qu’elle serait mienne et que ces regards ostentatoires je les éteindrai d’avoir osé contempler sa beauté. Un verre à la main, remplis jusqu’au bord d’un alcool oublieux, elle revint s’asseoir à mes côtés. J’engageais la conversation et sa voix enfantine et mélodieuse enlaçait mes mots dans une danse frénétique qui faisait frissonner nos corps. Mon regard glissait trop souvent sur le décolleté de son haut et effleurait ses tendres petits seins. Ses mouvements étaient amples, mesurés, délicats ; elle parlait avec passion et légèreté de nos vies sublimées. Je me perdais dans le rouge de son pantalon  et remerciait le monde de m’avoir donné de contempler cet oiseau d’or aux beautés célestes.

Ce soir-là, nous rentrâmes à son appartement. Cette nuit passée dans ses draps, logé au cœur de ses bras, je n’en ai qu’un souvenir aussi vague qu’un tableau impressionniste. Je me rappelle des couleurs, une lumière tamisée, le bruissement de nos corps, l’étreinte de nos solitudes. Un chat aussi. Très jeune, petit, noir, au poil soyeux, les yeux bien ronds, qui curieux n’avait de cesse de grimper sur le lit et nos mains l’une après l’autre de l’y faire redescendre.

Je me rappelle son souffle saccadé sur ma nuque, ses mots à demi murmurés qui faisaient bondir mon cœur et resserrer mon étreinte. La chaleur de sa peau sur la mienne, qui me brulait de désir. Mon poing fermé dans ses cheveux, ma main collée sur son sein. Je me rappelle du rythme de nos ébats, tendres et légers quand nos corps se découvraient, rapides, emballés, frénétiques, délirants quand enfin nous pouvions lire en l’autre les mystérieux désirs que les gémissements révélaient. Nous exultions. Cette nuit-là nous dormîmes très peu car au matin tôt, ma déesse d’une nuit s’enfuyait pour le sud de la France. Mais qu’importe le sommeil, car cette nuit-là j’ai goûté quelques heures d’éternité dans la passion électrisée de nos corps fusionnés. 

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26 février 2012

PERLES DE CHAGRIN

 

De nos passions éreintées il ne reste plus rien,

Que d’amers caresses et le souvenir de tes mains.

 

Au bord de tes yeux pendait une tristesse,

Si lointaine et si profonde qu’elle me perçait le cœur,

Un paysage sans horizon, un ciel sans déesse,

Des fleurs d’alcool pour camoufler nos peurs.

 

Le doux bruit de nos existences esseulées,

Faisait sur ta peau de mes doigts des danseurs,

Perdue dans ton éternité, errant les yeux fermés,

Des larmes de tabac pour étouffer nos pleurs.

 

Les sentiers empruntés de nos jeunesses perdues,

N’avaient de couleur que celle de ton sourire,

Sous lequel coulaient mes larmes, prêtes à mourir.

Le simple secret des choses en nos âmes décharnées et nues.

 

Je frappe rageusement sur les clous de ta bière,

Et porte au caveau ta demeure de bois,

Tes éternels amis seront ces tristes pierres,

Qui nous séparent à jamais et nous dictent leur loi,

 

De nos passions éreintées il ne reste plus rien,

Et tous les matins du monde n’y changeront rien.

26 février 2012

LA NOYADE D'UN MARRIN

 

Je ne supporte plus d’être triste. Ca me prend bien trop de temps. Il faut pleurer, panser ses plaies, écrire sa peine, hurler sa plainte, le dire aux autres, qui n’écoutent jamais, ou jamais comme on le voudrait. C’est bien trop fastidieux ; et quelles en sont les récompenses ?

Une amer compassion d’un monde que l’on déteste de n’être pas sculpter par nos mains. D’un monde qui ne nous offre jamais que des perles de chagrin. Que nos appétits dévorants graillent ; ces nourritures de la dernière heure !

Au plus profond de notre tristesse, les mots ont une gravité qui nous fait sombrer avec eux. Un non de lèvres désirées et c’est notre corps entier, cette frêle esquif balloter par les vagues, qui se noie dans nos larmes. Le capitaine d’un bateau écorché, au cœur de la tempête, use ses mains à réparer un gouvernail qui fait sourire l’océan : « Mes lames poussent ton embarcation pour un temps que tu crois tien. Un jour je t’enterrerai sous le sable, et le poids de mes eaux effacera les rêves des marins ». Et le murmure du vent, la caresse de la terre, le goût du soleil, resteront sourds à ton dernier appel.

Vogue, vogue, vogue. Tant qu’il en est encore temps. 

26 février 2012

UN TEMPS DE TROP

Elle suspendit un instant sa main en l’air puis frappa trois petits coups sur le bois terni de la porte d’entrée. Des bruits de pas précipités lui parvinrent de l’intérieur. Un verre qui tombe et qui se brise. Un juron qui fuse entre des dents serrées. Puis le silence. La porte s’ouvrit dans un grincement familier et les senteurs des jours disparus se rappelèrent à elle dans un tourbillon d’odeurs.

Elle pénétra dans cet appartement qui fût un jour son havre de paix. Les lumières avaient changé de place et l’éblouissaient. Sous ses pas gauches le parquet grinçait. Le verre brisé prêt de la table laissait penser qu’une dispute avait fait vibrer la pièce et mourir les objets. Mais elle savait que la dispute était à venir ; même si elle nourrissait l’espoir que des silences et des regards pourraient éteindre leur colère partagée.

Comme à son habitude il restait adossé au plan de travail en mosaïque bleue. Son regard n’apercevait qu’à peine et pardonnait beaucoup. Il lui criait que le printemps de leur rencontre avait fané trop vite, que sa présence ici c’était mentir au temps qui avait passé. Elle était debout au milieu de la pièce. Sa silhouette d’habitude svelte et élancée, qui pouvait faire plier le vent, s’affaissait. Ses bras pendaient. Ses cheveux tombaient mollement sur ses épaules abaissées. Son corps se tassait, voulait disparaître, échapper à ses yeux qui la transperçaient sans la regarder. Ses yeux sans larmes, sans mépris, sans colère, sans émotions, simplement fatigués de l’avoir trop vue.

Et pourtant il ne la reconnaissait pas. Il savait que c’était elle ; elle avait les mêmes traits, la même odeur, la même démarche mais ce n’était pas elle. Ce n’était plus elle. Et pour la première fois, la pensée qu’il n’avait été amoureux que de l’idée qu’il s’était fait de cette femme le pénétra tout entier. Etrangement, cette pensée le soulageait. Il n’avait vécu que dans un songe, un joli songe, mais un songe dont on se réveille, un songe qu’on oublie. Il frissonnait pourtant, et la peur et l’espérance s’entremêlaient dans son ventre : s’il n’avait aimé qu’une idée, qu’une pâle image de cette femme, peut-être pouvait-il tomber amoureux de la vraie femme qui se tenait maladroitement devant lui ? Peut-être pouvait-il la séduire, l’écouter, la comprendre ? Ne plus faire grandir en elle les beautés qui lui plaisaient, mais célébrer les siennes : ses singularités rayonnantes ! Son cœur bondit une dernière fois, pour se rappeler la danse qui un jour l’avait enivrée. Il ne le pourra jamais. On n’aime qu’une seule fois, tant pis si l’on aime mal.

Ce silence pesait trop lourd pour sa tristesse. Elle sentait ses jambes fléchir, elle allait s’écraser. Elle fît trois pas malhabiles comme les premiers d’un enfant et tomba dans le sofa pour éclater en sanglots. Il ne bougeait pas. Il regardait ce dos aux rythmiques sanglots, ses mains mouillées de pleurs qu’elle tentait de retenir, de dissimuler. Il ne pouvait pas agir, ne pouvait plus la consoler ; cette tristesse ne le concernait plus, ni ses mots ni ses bras n’effaceraient plus jamais les douleurs de cette femme.

26 février 2012

DEBOUT

 

Il faut que le monde se réveille, il a dormi trop longtemps d’un sommeil égoïste. Les bateaux aux voiles vermeilles doivent fuirent les vagues écarlates. Le vent doit gonfler les blés aux reflets bringés de notre enfance. La lune doit cesser de tourner sans raison : elle me fait perdre la tête ! La lumière sait qu’elle ne doit plus éclairer le ballet désarticulé de nos vies tristement humaines.

Mais qui donne encore ces ordres ? Qui commande au monde de rouler moins vite ? J’ai été de ces hommes qui se drapaient d’orgueil. On croyait que nos vies sacrifiées pour des combats d’inutilités brilleraient un peu plus, se perdraient un peu moins. Mais nous ne sommes que des funambules unijambistes, aveugles et tremblotants sur un fil tendu comme un sourire pervers.

Alors nous jouons à nos vies, nous leur donnons une texture, une saveur, des odeurs qui nous enivrent, une importance qui nous fait frémir. On savoure pour un temps ce songe réifié, mais des rivières de pourquoi nous submergent déjà. On s’accroche à l’amour cette bouée du dernier secours, mais elle sombre avec nous dans l’abîme, le néant.

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L'encre des larmes
  • Sous nos sourires coulent nos larmes. Elles ont le goût de fleurs sans couleurs couchées dans un lit où dorment nos peurs. Nos mots sont des arabesques penchées à leur chevet : "Dormez-bien petites larmes! Au matin vous serez sèches, évaporées!"
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